jeudi 19 mars 2009

Tupolev

- Pépé, pépé, c’est vrai que t’as été pilote d’avion pour les Russes ?

- Ah mais… qui t’a dit ça ?

- Tu me racontes, dis ?! Allez pépé…

- C’était il y a bien longtemps, c’est du passé maintenant…

- S’il te plait !

- Bon très bien, je vais te raconter la dernière fois que j’ai piloté un avion militaire mais ne m’interromps pas aujourd’hui !

- Non, non, promis.

- C’était en 1959, et à bord d’un Tupolev Tu-16R, ma mission était d’écouter le trafic radio et radar des pays adverses en parcourant le ciel au-dessus de ceux les plus critiques et de leurs environs. Je parle évidemment de l’époque de l’Union Soviétique et de la guerre froide. Mais tu sais ce que c’est la guerre froide ?

- Mais oui, voyons pépé, qu’est-ce que tu crois, on nous apprend des choses à l’école !

- Bon, bon, bon, d’accord, très bien. Ce sera plus facile pour moi ! C’est donc un jour de juin 1959 que nous sommes partis… oui, nous, mes coéquipiers et moi, nous étions six dans l’avion, Alexeï, Sacha, Sergueï, Youri,… moi et… Bref ! Nous avions survolé une partie de l’Europe et nous étions sur le chemin du retour quand notre avion a eu une défaillance technique qui nous a laissé à peine le temps de repérer un endroit pour atterrir. Et c’était la chute !

- Mais comment vous avez fait ? T’es pas mort puisque t’es là ! Qu’est-ce qui s’est passé alors ?

- J’y viens, un peu de patience ! En clair, mon avion est devenu incontrôlable et grâce à une voie d'évitement artificielle au milieu des champs, je suis arrivé tant bien que mal à poser l’engin ; nous avons tous été secoués, coupés jusqu’à l’os, des côtes cassées, les gueules en sang mais il fallait vite se ressaisir, à plusieurs on a ouvert le cockpit et on est descendu. On aurait pu y rester, surtout que l’avion a explosé quelques secondes après. Là encore, il fallait réagir sans tarder, nous cacher avant d’être découverts. C’était un matin de juin, à l’aube, quelque part dans la campagne française. Un de nous, Alexeï, a décidé de se faufiler dans la ferme encore endormie qu’on pouvait apercevoir un peu au-dessus ; nous avons donc marché d’un pas rapide, sans s’arrêter, pour arriver avant le lever du soleil. Dans la ferme, tout était calme, même les bêtes dormaient encore. Un couteau suisse dans une main, une lampe torche dans l'autre, Alexeï a tenté d’ouvrir la porte de la grange encore fermée à clef, et là…

- Quoi ?

- Tiens, bizarrement, je n’ai qu’un vague souvenir de ce moment. A l’intérieur, il y avait une petite porte sur laquelle était inscrit : Acteur n°3: et quelque chose d’autre après, mais j’ai beau fermer les yeux et essayer de m’imaginer la scène, rien à faire, ça ne me revient pas !

- C’est…

- Oh, je sais très bien ce que tu vas dire… Mais… Contrairement à ce que tu t’imagines, ce ne sont pas des trous de mémoire que j’ai, non non non, c’est juste ma tête qui est … un peu fatiguée … oui, c’est ça, fatiguée avec tous ces souvenirs militaires.
Bref… Je continue ! Nous nous sommes donc retrouvés dans cette grange qui, par chance, n’était plus utilisée, et on a vite compris pourquoi : elle tombait en ruine. Avec Alexeï qui se vantait de connaître tout le pays comme sa poche, on a commencé à faire des calculs sur la distance qui nous séparait de la Suisse. Et le temps passait, les jours à dormir, les nuits à voler pour manger, on soignait nos blessures comme on pouvait, on montait la garde, on attendait avec impatience l’occasion qui allait nous permettre de fuir. Occasion qui s’est présentée assez rapidement ma foi… Environ trois semaines après l’accident, nous avons réussi à prendre la poudre d’escampette en direction de la frontière Suisse.

- Mais, on n’a pas essayé de vous retrouver et…

- Eh bien, en fait, oui et non. Nous n’avons jamais vu de policiers venir jusqu’à la ferme. Et nos supérieurs on su bien plus tard que l’avion s’était écrasé. Malgré ma réputation de très bon pilote lors d’exercices de vols, ils nous ont imaginés grillés à l’intérieur de notre engin.

- Et comment vous avez fait une fois en Suisse ?

- Financièrement, c’est grâce à Igor, mon frère… mais tu ne l’as pas connu… il avait monté sa propre entreprise à Zürich. Elle marchait bien et il a pu nous aider à retourner à Moscou. Tout n’a pas été aussi simple que ça, non, vraiment! Nous sommes restés longtemps cachés dans une autre ferme, et c’est là que je suis tombé amoureux de votre grand-mère, une belle jeune femme massive…

- Eh pépé, on est au XXIème siècle et on ne dit pas des femmes qu’elles sont "massives".

- Ah ! Bon voilà pour aujourd’hui, le reste de l’histoire une autre fois ! Dis, tu pourrais m’aider à lire cet article, je n’ai pas mes lunettes et je ne vois pas très bien… C’est au sujet de la grève des pilotes, de réduire des tarifs… « Il faut… de la… s'il se pose… » Non, décidément, sans mes lunettes je ne suis plus bon à rien !

- « Situé en Europe, la compagnie aérienne reçoit chaque jour… » Oh mais il est pas drôle ton article ! Et puis il faut que je parte, il est tard et maman va s’inquiéter si elle me voit pas à la maison quand elle rentre ! A bientôt pour la suite de ton histoire hein !

- Oui, oui c’est ça !!



(texte écrit à partir d'une matrice)

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